Dystrophie maculaire

Qu’est-ce qu’une dystrophie maculaire?

Quelques diagnostics des dystrophies maculaires héréditaires pour mieux comprendre ce qui nous arrive !

(Attention, c’est très technique mais nous comprenons mieux pourquoi il est parfois difficile de mettre un nom sur une maladie

Les dystrophies maculaires héréditaires sont des affections dégénératives de la région centrale de la rétine associant des anomalies primaires de la rétine sensorielle, de l’épithélium pigmentaire et des remaniements de nature variable (dépôts pigmentaires, lipofuscine, oedèmes..). Ces affections qui sont d’emblée responsables d’une atrophie maculaire avec perte de l’acuité visuelle, représentent une cause majeure de malvoyance profonde et affectent tous les âges de la vie. Les dystrophies maculaires monogéniques où un seul gëne est responsable de la maladie, comprennent 14 entités cliniques, très hétérogènes tant sur le plan génétique que clinique, histologique et physiopathologique. Ce sont des maladies à transmissions autosomiques ou liés à l’X si l’on inclut le rétinoschisis juvénile (gène XLRS1). Dans la très grande majorité des cas, les dystrophies maculaires sont des maladies rares de transmission autosomique dominante ou, à l’exception de la maladie de Stargardt dans sa forme typique qui est non seulement relativement fréquente (prévalence 1/10 000, elle représente 7% des dystrophies rétiniennes), mais aussi héritée comme un caractère récessif autosomique. Au cours de ces dernières années, les bases moléculaires de ces affections ont commencé à être élucidées avec l’identification de 8 gènes responsables (avec notamment, ABCA4 responsable de la maladie de Stargardt et du fundus flavimaculatus ; ELOVL4, impliqué dans les dystrophies maculaires dominantes autosomiques apparentées à la maladie de Stargardt ; et RDS/périphérine impliqué dans différentes formes de dystrophies rétiniennes autosomiques dominantes). Il est intéressant de noter que ces travaux ont mis en évidence le fait que les mutations d’un même gène pouvaient être en cause dans plusieurs pathologies longtemps définies comme des entités cliniques à part entière (ABCA4 impliqué dans la rétinite pigmentaire autosomique récessive RP19, la dystrophie de type Cone-Rod CORD3, et la dégénérescence maculaire liée à l’âge DMLA). A l’inverse, une hétérogénéité génétique a également été découverte pour plusieurs de ces dystrophies, les gènes identifiés ne rendant compte que d’une fraction des cas de la maladie.

  1. Maladie de Stargardt STGD1 (MIM 248200)

La maladie de Stargardt est une maculopathie bilatérale évoluant vers une atrophie maculaire et une perte de la vision centrale avec apparition progressive de taches blanc-jaunâtres périmaculaires appelées fundus flavimaculatus. STGD1 représente 7 à 10 % des dystrophies rétiniennes chez l’enfant. Son incidence est estimée à environ 1/8000 à 1/10000 naissances (les estimations varient encore suivant les sources).

STGD1 est caractérisée par une perte brutale de l’acuité visuelle entre 7 et 14 ans. L’examen du fond d’œil révèle des taches blanches ou jaunâtres auto-fluorescentes avec des zones d’atrophie. Les vaisseaux rétiniens sont normaux. Au niveau du champ visuel, il existe un scotome central. Les anomalies angiographiques sont caractérisées par le silence choroïdien (témoignant des lésions des cônes et des bâtonnets maculaires), l’aspect maculaire en œil de bœuf et des taches flavimaculées périmaculaires hyperfluorescentes. La perception des couleurs est altérée avec une dyschromatopsie d’axe vert-rouge. L’électrorétinogramme (ERG) est normal au début, puis une altération photopique apparaît à un stade avancé.

Fundus Flavimaculatus FFM (MIM 228980)

Le Fundus Flavimaculatus correspond à la forme tardive de STGD1, avec un âge d’apparition des premiers symptômes après 20 ans, de progression beaucoup plus lente et de meilleur pronostic que STGD1.

STGD1 et FFM sont des maladies monogéniques à transmission autosomique récessive.

Le gène impliqué dans la maladie de Stargardt est ABCA4 ou ABCR (MIM 601691) = ATP-Binding Cassette, Subfamily A, Member 4 ou ATP-Binding Cassette, Retina-specific (Séquence de référence: NM_000350). Ce gène de 50 exons code la Rim Protein (RmP) localisée dans les disques des segments externes des photorécepteurs. Cette protéine assure le transfert du tout trans rétinal (tt-Ral) vers le cytoplasme. Son altération entraîne une accumulation de tt-Ral dans les disques des photorécepteurs sous forme de dépôts de lipofuscine.

Plus de 400 mutations sont connues, elles sont réparties le long du gène ABCA4. On retrouve de nombreux allèles complexes portant deux ou plus de deux mutations.

Autres indications : Dystrophies rétiniennes mixtes

Le gène ABCA4 a été également impliqué dans :

  • La rétinite pigmentaire autosomique récessive RP19 (MIM 601718)
  • La dystrophie de type Cone-Rod CORD3 (MIM 604116)
  • La dégénérescence maculaire liée à l’âge DMLA (MIM 153800)
  1. Maladie de Stargardt dominante ou dystrophie maculaire Stargardt-like STGD3 (MIM 600110)

STGD3 est une dystrophie maculaire rare d’évolution progressive, qui débute vers 10-20 ans par une baisse brutale de l’acuité visuelle avec une électrophysiologie normale ou sub-normale. Il existe des remaniements progressifs de l’épithélium pigmentaire et l’apparition d’une atrophie de la région maculaire est plus tardive. La présence de taches flavimaculées périmaculaires est inconstante et l’existence d’un silence choroïdien est très rare. La pénétrance est quasi-complète à 20 ans et complète à 30 ans.

STGD3 est cliniquement très hétérogène, d’où l’appellation « Stargardt-like » en présence de taches flavimaculées et/ou d’un silence choroïdien et de « pattern dystrophy » ou de maculopathies en « œil de bœuf » dans les autres cas.

La distinction entre la forme typique autosomique récessive de la maladie de Stargardt (STGD1) et la forme «Stargardt-like » autosomique dominante (STGD3) est parfois difficile. L’analyse moléculaire des gènes ABCA4, impliqué dans la forme STGD1, et ELOVL4 peut permettre cette distinction (en particulier si mode de transmission inconnu). STGD1 est plus fréquent que STGD3 et représenterait 90 à 95 % de ces types de dystrophies maculaires.

Le gène impliqué dans les formes de Stargardt-like est ELOVL4 (MIM 605512) = ELongation of Very Long chain fatty acids-like 4 (Séquence de référence (ARNm): NM_022726). Ce gène de 6 exons code une glycoprotéine membranaire de 314 aa, contenant trois domaines définissant la famille des « acides gras élongases » et une extrémité carboxy-terminale contenant un signal de rétention dans le réticulum endoplasmique (RE). La protéine est localisée dans le segment interne des photorécepteurs (exprimée dans les cônes et les bâtonnets). Elle est probablement impliquée dans la synthèse d’acides gras essentiels.

Trois mutations sont décrites à ce jour.

  1. Dystrophies Rétiniennes dues à des mutations du gène RDS/périphérine.

Les mutations du gène RDS sont impliquées dans de nombreuses dystrophies rétiniennes à transmission autosomique dominante :

– Dystrophies tachetées du pôle postérieur ou « Pattern » Dystrophies

Les « Pattern » dystrophies représentent une famille cliniquement hétérogène de dystrophies maculaires, fréquemment dues à des mutations du gène RDS/périphérine. Ce sont des dystrophies à taches jaunâtres ou grisâtres situées au pôle postérieur de la rétine.

  • Dystrophie fovéomaculaire de l’adulte (MIM 179605) ou Dystrophie de Gass
  • Dystrophie maculaire en « ailes de papillon » avec taches jaunâtres périphériques (MIM 169150) ou dystrophie en X flavimaculée
  • Dystrophie réticulée en « ailes de papillon » de Deutman (MIM 169150)
  • Dystrophie tachetée autosomique dominante simulant le fundus flavimaculatus (MIM 179605) ou dystrophie flavimaculée de l’adulte

– Autres dystrophies rétiniennes

  • Rétinite pigmentaire autosomique dominante RP7 (MIM 608133)
  • Rétinite pigmentaire digénique (mutations de RDS et ROM1)
  • Dystrophie maculaire vitelliforme de l’adulte (MIM 608161, 179605.0012, 0014, 0015)
  • Dystrophies des cônes et/ou des bâtonnets autosomiques dominantes (MIM 602093)
  • Rétinite ponctuée albescente (MIM 136880)
  • Atrophie choroïdienne aréolaire centrale (MIM 179065, 215500)

Le gène impliqué dans ces pathologies est RDS (MIM *179605) = Retinal Degeneration gene Slow (Séquence de référence (ARNm): NM_000322). Il comporte 3 exons et code une glycoprotéine transmembranaire de 346 aa : la périphérine ou RDS protéine. La protéine est localisée dans les renflements des disques des segments externes des photorécepteurs. Avec la protéine ROM1 (Rod Outer Segment Protein 1), autre protéine structurale des disques, elle assurerait la stabilité du compactage des disques. Elle interviendrait également dans l’ancrage à la membrane de l’échangeur Na/Ca-K des photorécepteurs (rôle capital dans leur retour à l’état d’obscurité).

Plus de 80 mutations réparties sur le gène RDS

  1. Rétinoschisis juvénile lié à l’X (MIM 312700)

Le rétinoschisis juvénile lié à l’X est une maladie héréditaire rare (incidence de 1/5 000 à 1/25 000) de transmission liée à l’X, caractérisée par une maculopathie constante, qui est associée, dans un peu moins de la moitié des cas, à des lésions périphériques rétiniennes et vitréennes, et secondaire à un clivage anormal (schisis) dans la couche la plus interne de la rétine. On observe deux types de lésions :

– une lésion rétinienne centrale, caractérisée par la présence d’un fin plissé radiaire centré sur la fovéola (aspect dit en « étoile » ou en « rayon de roue »). Les plis se prolongent par de petites logettes kystoïdes disposées en rosette autour du centre fovéolaire (diagnostic posé grâce au Fond d’Oeil).

– des lésions rétiniennes périphériques , caractérisées par soulèvement bulleux semi-transparent, et des voiles vitréens…

Les lésions sont présentes à la naissance, mais souvent diagnostiquées dans la petite enfance par une baisse de l’acuité visuelle, un strabisme…

La vision des couleurs est peu altérée.

Des signes cliniques sont décrits chez les femmes conductrices, comme la perte du reflet fovéolaire, de fins plissements de la limitante interne, une irrégularité de la pigmentation maculaire, des lésions rétiniennes périphériques discrètes similaires aux lésions retrouvées chez les sujets mâles atteints, mais elles n’ont en règle aucun signe fonctionnel.

Le gène en cause est XLRS1ou RS1 (MIM 312 700) = X-linked Retinoschisis 1 (Séquence de référence: NM_000330). Ce gène de 6 exons code la rétinoschisine (224 aa) qui contient un domaine discoïdine indispensable au développement normal de la rétine. La protéine est sécrétée et détectée dans la couche des photorécepteurs et dans les couches internes de la rétine.

Une mutation est identifiée dans plus de 90 % des cas. Plus de 80 mutations ponctuelles sont décrites, dont 31 plus fréquentes (la mutation c.214G>A (p.Glu72Lys) représente 14 % des mutations).