Nous le rappelons souvent à nos interlocuteurs, sur Facebook ; il est essentiel d’être suivi, en parallèle de votre ophtalmologue habituel, par un centre de référence dédié aux maladies rares en ophtalmologie sous l’égide de la filière des maladies sensorielles d’origine génétique SensGENE
Dans ces centres, vous allez être en mesure de donner votre sang pour vous permettre d’obtenir un diagnostic génétique qui va confirmer et préciser votre situation.
Des traitements vont finir par arriver, certains sont déjà en cours d’évaluation clinique ! La plupart d’entre eux exigeront une connaissance précise de l’origine moléculaire de votre maladie de la rétine (gène responsable, nature et localisation des mutations causales)
N’attendez pas, le diagnostic génétique est long à obtenir (souvent plus de 18 mois), si vous ne l’avez pas déjà demandé, nous vous invitons à le faire.
Le Docteur Jean-Louis BACQUET, Chef de clinique assistant au CHI de Créteil nous propose à nouveau un très bel article illustrant l’intérêt pour le malade et les praticiens du diagnostic moléculaire et du conseil génétique.
Bonne lecture à tous
« J’ai la maladie de Stargardt : 7 excellentes raisons d’obtenir mon diagnostic génétique »
1) Confirmer le diagnostic
La maladie de Stargardt se caractérise par son hétérogénéité. Sa présentation clinique peut varier des formes gravissimes de l’enfant à celles plus tardives et lentes de l’adultes, se rapprochant alors de la DMLA (on parle de « Fundus Flavimaculatus »).
De nombreuses autres affections maculaires et rétiniennes peuvent ressembler à une maladie de Stargardt et égarer le diagnostic : l’imagerie rétinienne est alors d’une grande aide pour être affirmatif sur l’implication du gène ABCA4. Cependant, même au sein des maladies maculaires d’origine génétique, d’autres gènes peuvent donner une atteinte proche de celle de la maladie de Stargardt, en particulier PROM1 et ELOVL4.
La présence de mutations convaincantes à l’état biallélique dans ABCA4 confirme alors de façon non équivoque la maladie de Stargardt.
2) Avoir des données pronostiques
La maladie de Stargardt est connue depuis 1908. Le gène causal a été mis en évidence en 1995. Depuis lors, de nombreuses études ont décrit l’implication de certaines mutations dans des formes graves et d’autres au contraire dans des atteintes plus bénignes. La constitution de cohortes parfois nombreuses a été bien menée dans de nombreuses études permettant des corrélations entre l’atteinte clinique (phénotype) et la mutation (génotype).
La connaissance de mutations lorsqu’elles sont déjà décrites (il existe des centaines de mutations qui pourraient être causales dans ABCA4) permet de se référer à ces grandes études pour avoir une idée du pronostic visuel et de la cohérence avec la forme clinique décrite habituellement rapportée.
3) Permettre de meilleures connaissances épidémiologiques
Connaître son diagnostic moléculaire permet également de « cartographier » les variants responsables de la maladie : il est fréquent qu’un variant se retrouve plus fréquemment dans une région géographique qu’une autre, on parle alors d’effet fondateur.
Il est important de connaître cette cartographie, on peut par exemple imaginer des variants différents entre la France et les Etats-Unis ou l’Asie, avec des répercussions thérapeutiques potentielles.
Dans la même idée, il existe des variants récurrents qui peuvent faire l’objet d’une recherche thérapeutique spécifique quand ils sont très fréquents, on peut citer la mutation c.5882G>A (p.Gly1961Glu au niveau protéique) qui est la plus prévalente en France.
Des connaissances précises sur la fréquence respective de ces différents variants est importante pour la recherche fondamentale.
4) Mieux connaître le gène
Le gène ABCA4 est très long et comporte de nombreux constituants non transcrits (introns). Ces caractéristiques rendent le diagnostic moléculaire difficile. Le séquençage extensif d’une cohorte de patients belges a permis de mettre en évidence des variants pathogènes dans ces introns, responsables d’un mauvais épissage (« pré-traitement ») du gène et de conséquences délétères sur la protéine, renversant ainsi le dogme de l’implication seule des mutations exoniques classiques dans la contribution au phénotype de maladie de Stargardt.
Seule la recherche rigoureuse de mutations dans ABCA4 a permis de montrer l’effet de ces variants sur la maladie et d’augmenter les connaissances et la compréhension des mécanismes génétiques qui sont en cause dans le développement de cette maladie.
5) Mieux connaître la maladie : les corrélations phénotype-génotype
Au sujet de la recherche, il n’y a pas de relation simple et univoque entre un phénotype (aspect clinique) et la nature des mutations. Les chercheurs et les ophtalmologistes tentent donc d’établir des correspondances entre la nature d’une mutation et ses répercussions biologiques, puis cliniques.
On peut ainsi imaginer qu’une mutation X entraînerait un tableau clinique plus sévère qu’une mutation Y. Celle-ci s’accompagnerait alors possiblement de signes cliniques différents, d’apparition à un âge donné plus tôt, d’évoluer plus rapidement vers l’atrophie maculaire, de concerner la rétine périphérique : les chercheurs savent déjà que certaines d’entre elles sont intéressantes à étudier par leur nature (mutations d’épissage, mutations fréquentes sur « hotspot ») ou leur conséquence (phénotype très sévère ou au contraire mutations prédites sévères avec un phénotype atténué)
La confrontation clinico-génétique permet l’établissement de telles corrélations et d’investiguer sur d’éventuelles discordances devant alors être expliquées biologiquement.
6) Permettre un conseil génétique de qualité
Le conseil génétique dans la maladie de Stargardt est difficile : le gène est long, les variants sont très fréquents dans la population générale saine (ce sont alors des variants monoalléliques : 1/50 environ).
Pourtant ce conseil génétique est primordial pour savoir délivrer une information de qualité, fiable et quantifiée, concernant le risque de transmission à la descendance d’une personne atteinte. De même ce conseil génétique devient particulièrement sensible dans les situations de grossesse puisque ce questionnement amène parfois à la problématique du diagnostic pré-natal.
La connaissance des mutations permet d’être certain du diagnostic et de rechercher les mêmes plus facilement chez les apparentés suspects d’être atteints. Cette information rend également le diagnostic pré-natal possible.
Le conseil génétique sans preuve moléculaire de la maladie de Stargardt est soumis à de nombreuses incertitudes, parmi lesquelles les diagnostics différentiels méntionnés plus haut.
7) L’accès aux thérapeutiques en question
Les médias ont relayé à la suite de l’approbation de la FDA concernant le voretigene-neparvovec un immense espoir dans les maladies génétiques de la rétine : la thérapie génique.
Mais qui dit thérapie génique dit connaître l’implication du gène et les mutations causales : l’accès à une thérapeutique d’apport d’un gène sain rend obligatoire la confirmation du diagnostic moléculaire.
D’autres thérapeutiques sont actuellement en cours d’évaluation et parmi elles, des thérapeutiques non spécifiques (pharmacothérapie) et des thérapies spécifiques d’une mutation : citons l’étude de Cremers et al. qui visait à rediriger l’épissage de ABCA4 afin de restaurer une production protéique satisfaisante dans des cellules présentant des mutations introniques profondes, au moyen d’oligonucléotides antisens.
L’accès à d’autres thérapeutiques ciblées (oligothérapie antisens, édition génique par CRISPR-Cas9) repose nécessairement sur la connaissance de la nature des mutations présentes dans ABCA4.
Pour toutes ces raisons, l’accès au diagnostic moléculaire lorsque l’on est atteint de la maladie de Stargardt, quel qu’en soit le stade, est fondamentale pour soi, mais aussi pour la recherche et in fine pour les autres patients. Ce diagnostic s’effectue auprès de centres de référence dans la prise en charge des maladies génétiques de la rétine : https://www.stargardt.fr/la-genetique-gene-abca4/centres-de-reference/ ou http://www.sensgene.fr