Dossier : La consultation dans une centre de référence maladies rares

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Le Pr. Isabelle Meunier nous a concédé un entretien dans lequel elle nous décrit comment se déroule une consultation dans un centre de référence. 

Qui est le Pr. Isabelle MEUNIER ?

Le Pr. Isabelle Meunier est ophtalmologiste et coordinatrice Centre de référence des affections sensorielles et génétiques au CHU Hôpital Guy de Chauliac de Montpellier.

Le Pr. Meunier commence sa carrière aux côtés du Pr. Gabriel Coscas, chef du service d’ophtalmologie à l’hôpital de Créteil, en exerçant de 1993 à 1997 où elle se concentre sur la prise en charge de la DMLA.

De 1998 à 2006, elle rejoint la Fondation Rothschild à Paris dans l’équipe du Dr De Laage de Meux pour coordonner le département d’imagerie.

En 2007, elle intègre le service du Pr Christian Hamel à Montpellier, son prédécesseur qu’elle remplacera en 2017 à la tête du service.

Ici, conjointement, ils font des avancées majeures pour la reconnaissance de l’ophtalmo génétique. Ils instaurent un Diplôme universitaire pour les ophtalmologistes qui souhaitent se surspécialiser dans ce domaine, et fondent la Société de génétique ophtalmologique francophone (SGOF).

Pour écouter l’entretien, cliquez sur le bouton rouge ci-dessous.


FS: Pr. Meunier, comment se passe-t-il une consultation dans un centre de maladies rares ?


« Notre mission, c’est d’avoir un diagnostic clinique précis. Pour tout patient qu’on va recevoir dans un centre de référence, on reprend l’ensemble de son histoire clinique et on s’affranchit de tout pré-diagnostic. […]


Ensuite, on va établir ce qu’on appelle l’arbre généalogique, qui est la première orientation quant au mode de transmission. Avec cet outil, on va remonter aux parents et grands-parents, à la fratrie, aux enfants et nous allons voir s’il y a d’autres sujets qui auraient à priori une maladie similaire.[…]


C’est important ensuite de corréler cette hypothèse de transmission avec ce qu’on va découvrir lors de l’imagerie.

Après l’histoire clinique, on reprend les signes cliniques. Est-ce que j’ai plutôt un argument sur une maladie qui va toucher le centre de la vision ? C’est-à-dire l’acuité visuelle, le gommage des visages, la difficulté de la lecture…ou à l’inverse le centre est parfait ?

Si on schématise : la périphérie, ce sont plutôt les bâtonnets. Je vais donc rencontrer des difficultés de vision nocturne et je vais avoir une réduction de mon champ visuel périphérique tandis que le centre est préservé sur une longue période. Je vais garder une acuité visuelle correcte mais je peux être renversé quand je traverse. Je peux ne pas voir une personne quand elle est sur le côté ou cogner les gens.

A l’inverse, les atteintes centrales vont être très bruyantes initialement puisque cela touche d’emblée la vision des couleurs, vision de reconnaissance des visages et l’acuité visuelle. Elles peuvent ensuite s’associer à une atteinte périphérique. Donc en se basant sur les signes cliniques, on peut séparer les atteintes centrales et les atteintes mixtes centrales et périphériques.

C’est à ce stade-là que l’électrorétinogramme (ERG) va intervenir. Cet ERG est essentiel dans la consultation initiale, comme l’est aussi l’imagerie, qui doit être complète. […]

On repart à zéro et tout doit être concordant avec les signes cliniques, la séquence de ces signes cliniques, ce que je note à l’imagerie et ce que je trouve à l’électro rétine. C’est ainsi qu’on peut poser une hypothèse à l’électrorétinogramme, qui va permettre de confirmer si vous avez une maculopathie, si vous avez une dystrophie des cônes, si vous avez plutôt une dystrophie cônes bâtonnets ou si c’est plutôt l’inverse, une dystrophie d’abord bâtonnets, puis cônes ».

FS : Réalisez-vous tous ces tests en une consultation ou est-ce que le patient est appelé à revenir plusieurs fois pour avoir un diagnostic ?

« Alors, pour nous, il est important que le patient ne vienne qu’une fois. Ce sont des journées qui peuvent être lourdes, mais avec un examen complet de la clinique à l’imagerie et à l’électrophysiologie, nous pouvons lancer l’analyse génétique.

En fin de consultation, nous reprenons les examens, les expliquons au patient et lui donnons nôtre ou nos hypothèses.»

FS : Le prélèvement génétique, est-il systématique dans un centre de référence maladies rares ?

« Chez nous, il est systématique. Dans notre centre, ça a toujours été une stratégie de dire qu’il faut aller jusqu’au diagnostic génétique. Pourquoi ? Parce que c’est important pour le patient d’avoir une certitude absolue. Sinon, il va être dans l’errance en se disant : « peut-être qu’on se trompe de diagnostic, peut être que c’est inflammatoire, peut être que c’est autre chose, ils n’ont pas pensé à une autre hypothèse.

La génétique, c’est la preuve de notre hypothèse et ça la confirme. Un Stargardt, ça peut être un pseudo Stargardt, ce ne sont pas les mêmes gènes impliqués, ce ne sont pas les mêmes modes de transmissions et donc ça ne sera pas la même thérapie.

Donc c’est important de donner un diagnostic génétique de certitude. En effet, il y a eu sur les trois dernières années, une révolution dans les outils d’analyses génétiques (séquençage haut débit, grand panel, génome). »

FS : Avez-vous d’autres conseils pour améliorer la gestion au quotidien de notre handicap ?

« Il y a une chose qui a un rôle fondamental, c’est l’acceptation aussi d’une rééducation basse vision. À un moment donné, il faut y être prêt. Je pense qu’il y a un avant la rééducation basse vision et il y a un après la rééducation basse vision. Je risque de m’enfermer sur moi, de perdre confiance, d’être seul au monde -ce qui est une réalité quand on a une maladie, on est…quoi qu’il en soit, même entouré, même aimé seul au monde. »

Sur le site de la Fondation, nous avons établi une liste avec les six centres de référence consacrés aux maladies rares en France. Vous trouverez la liste sur le lien suivant : Les centres de référence | Fondation Stargardt.

Qu’est-ce qu’est le Centre MAOLYA ?

Le centre national de référence MAOLYA est un centre de référence maladies rares pour le diagnostic et la prise en charge des maladies génétiques touchant la vision et l’audition, chez l’enfant et l’adulte.

L’objectif du centre est de fournir aux patients et aux professionnels un diagnostic précis de la maladie et des risques de transmission, d’orienter les patients vers des centres relais de prise en charge, de traiter les patients et de développer les recherches dans le domaine du diagnostic et du traitement.

Le Centre MAOLYA est l’un des six centres de référence labélisés de la filière SENSGENE et dédiés aux maladies oculaires et auditives génétiques.