Martin Le Pape vient de franchir la ligne d’arrivée de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 9ème position dans la catégorie Class 40 à bord du bateau Fondation Stargardt. Il rallie Saint Malo à Pointe à Pitre en 16 j, 4 h, 30 m et 4 s. Une fois arrivé au ponton de Pointe-à-Pitre, le skipper finistérien nous a partagé son émotion d’être allé au bout de cette épreuve, sa première transatlantique en solitaire, qui lui a permis de gagner en expérience.
Voici notre échange avec Martin, une fois la course terminée:
– Qu’est-ce qu’elle avait de particulier cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe ?
On a eu une transat difficile. Je ne sais pas quel est le retour des autres mais elle était dure, du début jusqu’à la fin. Il n’y a pas eu un moment de répit. C’était toujours à fond dessus, stressant pour le bateau, à se demander quand le mât allait tomber. Quand le bateau allait se casser en deux. La première fois que je suis allé sur le pont, c’était avant hier. Sinon, je n’ai pas pu sortir la tête du bateau tellement ça bougeait. Je ne me sentais pas en sécurité à l’extérieur. La mer était cassante. C’était dur.
– Qu’est-ce qui était dur ?
C’était dur mentalement et physiquement. Mentalement car on ne pouvait rien lâcher. On savait qu’on avait une épée de Damoclès au-dessus de la tête en permanence. Quand on passe au Açores et qu’il y a La Boulangère et Crosscall qui démâtent à cinq milles de moi. On se dit : la prochaine vague, c’est pour moi. Moi, ça n’est pas le mât qui est tombé mais j’ai fissuré le bateau. J’ai réparé et j’ai passé mon temps dans le sac de bricolage. C’est engagé.
– Il y a eu des moments de bonheur quand même ?
Le moment de bonheur, c’est d’être là. D’avoir réussi ce défi. Honnêtement, je n’ai pas pris beaucoup de plaisir. Y a pas eu beaucoup de moments où je me suis dit que j’étais bien. Mais le plaisir, il est maintenant. D’avoir terminé, d’avoir relevé ce défi et d’être là avec les gens qui m’ont soutenu et ça, c’est génial.
– Tu espérais un meilleur résultat ?
Sportivement, je ne suis pas content. Je n’étais pas parti pour ça mais il se trouve que c’est parti par devant. Mon bateau n’était pas bon au reaching et au près et on en a eu beaucoup ! Je me suis accroché mais je n’ai pas réussi. Il faut passer au-dessus de ça. Le défi humain, pour une fois, était plus beau que le défi sportif. C’est une expérience enrichissante. Je vais me coucher différent ce soir que lorsque je suis parti de Saint-Malo. C’est clair et net et c’est valable pour plein de choses de la vie. C’est une belle étape. Tu puises dans tes ressources physiques, mentales, parce que tu n’as pas le droit d’abandonner. Tu as une course à finir, tu as des gens qui te soutiennent, tu as un égo. Et pourtant, tu te dis souvent que tu voudrais bien que ça s’arrête. C’est ça la beauté de notre sport. Nous on ne peut pas enlever les crampons et aller prendre la douche. On est seul face aux éléments et on doit aller puiser dans nos ressources.
– En quoi cette course te fait évoluer ?
C’est la première fois de ma vie que je mets l’aspect sportif de côté. Ça n’est pas parce que je n’ai pas je n’ai pas fait le résultat que je voulais que ça n’a servi à rien. Ça va me faire murir, ça va me faire grandir, ça va me faire evoluer dans ma pratique. Ça va me faire devenir un marin expérimenté. On a tous vécu des trucs qui nous font monter d’un cran.
Vous pourrez trouver le classement final de la Route du Rhum- Destination Guadeloupe au lien suivant https://www.routedurhum.com/en/classement
Une version mieux adaptée pour les lecteurs d’écran est disponible sur le site de l’association Orion:
https://orion-brest.com/betaClassement
Merci infiniment à l’association Orion de Brest, qui a pour mission de promouvoir et de développer la pratique de la voile pour les personnes déficientes visuelles avec le plus d’autonomie possible. L’outil qu’ils ont développé nous a permis de rendre accessible à nos membres notre projet tout le long de la Route du Rhum 2022.